Madeleine CHEILLETZ BIEWERS (1924-2023) : Madeleine Cheilletz est née le 16 décembre 1924 à Hayange. Mi-1943, elle a 18 ans. Son frère, René Cheilletz, Malgré-Nous, a vécu l’enfer de Stalingrad. À l’issue d’une permission, il décide de déserter et se réfugie chez une tante qui habitait rue des Parmentiers à Metz. Il y reste caché quinze jours avant qu’elle lui trouve un passeur. Il passe la frontière à Amanvillers, dans le tender d’une locomotive. Il deviendra FFI dans le Tarn-et-Garonne, puis, bien plus tard, membre des Forces Françaises Libres. Madeleine est arrêtée à 19 ans le 10 juillet 1944 suite à la désertion de l’armée allemande de son frère. Jour de l’appel de la classe 1927 au Reichsarbeitsdienst, l’ensemble des services de la Gestapo de Moselle participe à la plus vaste action coordonnée de toute l’annexion. Mobilisant des centaines de policiers, l’action du 10 juillet se solde par la mise sous les verrous d’au moins 121 personnes, généralement des sœurs ou mères de déserteurs, en vertu de la « responsabilité familiale ». Otage, Madeleine Cheilletz est enfermée dans la cellule 6 des femmes du fort de Queuleu pendant 37 jours. Elle n’a pas les yeux, n’est pas soumises aux coups des interrogatoires mais connaît la faim et le manque d’hygiène. Elle mange très peu, du bouillon avec une ou deux feuilles de chou et un morceau de pain. Les paillasses et les vêtements sont couverts de puces. Pour lutter contre les parasites, le commandant Hempen fait donner à chaque femme un carré de papier sur lequel il fallait présenter vingt puces par jour ! S’il n’y avait pas le compte, la prisonnière n’avait pas à manger ! A cause de l’infection de puces, Madeleine préfère dormir directement sur les planches de son châlit. Le silence est de règle et personne ne doit bouger de son banc. Certains gardes laissent cependant parler entre elles les femmes, de recettes de cuisines notamment. Pour la Sainte Marguerite d’Antioche le 20 juillet, un garde les laisse chanter mais la sanction de Hempen tombe : deux jours sans manger. Madeleine peut se lacer seulement une fois, dehors, avec de l’eau froide, un dimanche où Hempen n’était pas au camp. Le 16 août 1944, le fort de Queuleu va bientôt être totalement évacué. Les femmes apprennent que certaines resteront à Metz et que d’autres seront évacuées à l’intérieur de l’Allemagne. Marie-Louise Olivier, Marguerite Durrmeyer future épouse Obrecht, Madeleine Cheilletz et Marie-Louise Raisin font parti du convoi du 17 août 1944 qui comporte 104 femmes. Le train quitte Metz à 9h pour le camp de sureté de Schirmeck en Alsace. Vers 19h, le train s’arrête en gare de Schirmeck et Madeleine Cheilletz est transférée dans le camp où elle ne reste que quelques jours. À Schirmeck, elle a droit à une douche avec du savon et à des repas réguliers. Le 23 août 1944, les jeunes femmes sont emmenées à Gaggenau-Rotenfels près de Karlsruhe dans le Bade-Wurtemberg. Par une chaleur épouvantable, de nombreuses femmes qui ont transité par Queuleu sont transférées en camion. Madeleine est affectée à l’usine automobile Daimler-Benz où elle participe aux travaux de soudure. Le site est souvent bombardé et il faut échapper aux bombes alliées. Le 23 novembre 1944, seize Mosellanes, qui avaient étaient prises en otage à cause de la désertion d’un membre de leur famille, sont libérées. Madeleine est libre et met un mois à regagner son foyer à Elvange-Florange. Elle décède le 2 novembre 2023.
Sources :
-Léon Burger, Le Groupe Mario : une page de la Résistance Lorraine, Amicale des Anciens Déportés, Familles de Disparus et Amis du Fort de Queuleu, Imprimerie Louis Hellenbrand, Metz, 1965 et 1985.
-Cédric Neveu, La Gestapo en Moselle. Une police au cœur de la répression nazie, Éditions du Quotidien, Strasbourg, nouvelle édition 2015.
-Archives de l’Association du fort de Metz-Queuleu.
-Interviews.